Colin Moore: Sur la route

Colin Moore : Sur la route

Stéfane Campbell

BANG BANG, 19 mars 2010

Phénomène de plus en plus fréquent dans le milieu punk, plusieurs membres de groupes établis se tournent spontanément vers des sphères musicales plus introspectives pour nous pondre des chansons aux guitares râlantes et aux voix posées. Pensez à City and Colour (Alexisonfire), à Tom Gabel (Against Me!) ou même à Mike Ness (Social D) pour ne nommer que ceux-ci. Décidément, nos rockeurs semblent avoir le cœur sur la main. Dans la mêlée, Montréal peut désormais compter sur le gosier éraillé de Colin Moore pour se donner fière allure. Rescapé des Road Bones et, au préalable, de Suburban Trash, voici que le jeune auteur-compositeur-interprète baisse la distorsion de quelques crans pour nous présenter Leaving Home, gravé de folk rock feutré qui fait tout de même quelques subtils clins d’œil à son passé plus musclé. Rencontre.

« Je ferai de mon mieux pour garder Bob Dylan et Tom Petty hors de la discussion! », répond le jeune homme de cette voix typiquement cassée et identifiable sur mille, lorsqu’on lui demande de présenter la musique : « Évidemment, ce sont des héros pour moi mais ç’a tellement été dit et redit en parlant de ce que je fais que je ne voudrais pas que les gens croient que ce n’est qu’une copie carbone. Disons que c’est du bon easy listening avec un fond rock senti. »

Et lorsqu’on aborde l’affiliation de plus en plus fréquente qui semble se tramer entre les genres punk et folk par les temps qui courent, Moore ne peut qu’abonder dans le même sens : « Tout à fait! Quand on pense aux gens qui le font, ce sont pour la plupart des chanteurs qui se retrouvent seuls, veulent peut-être arrêter de crier, exprimer des choses plus personnelles… Je crois que ça vient avec l’âge aussi, on laisse tomber plusieurs préjugés avec le temps. Il y a quelques années, c’était impensable pour moi de faire un album folk, j’étais un gars de punk rock alors qu’aujourd’hui… I just don’t care. En plus, il y a des chansons sur l’album que j’ai écrit il y a des années déjà! Il était temps que je les mette sur disque. »

D’autant plus qu’il n’y a pas que des désavantages à l’aventure solo, loin de là : « Ce n’est pas si différent dans la mesure où j’ai un groupe qui m’accompagne pour plusieurs des shows mais ça l’est un peu plus lorsque je fais des formules duo avec Ryan Battistuzzi (guitariste et réalisateur). Et c’est sûr que ça facilite la vie de tournée. Pas de doute là-dessus.»

Parlant de tournée, au moment de la discussion, l’artiste revient tout juste d’un saut de quelques dates en Europe où il est allé y présenter son folk rock d’écorché. Et après trois premiers jours disons plus chaotiques (louper l’avion pour Stockholm, perte d’instrument, etc…) l’expérience fut tout de même très agréable au final : « On a fait deux shows avec Jason Bajada en Allemagne et on discute avec des labels de là-bas. (…) On a aussi ouvert pour Holly Williams (oui, la sœur de Hank III) à Paris, c’était vraiment bien, on essaie d’ailleurs de la faire venir à Montréal pour un concert avec elle… » Chose que l’on se souhaite de tout cœur.

D’ici là, Moore sera au Savoy du Métropolis le 26 mars prochain pour le lancement officiel.

myspace.com/colinsacoustic

CLUES: Porté par le vent

Clues et le festival Sous La Neige : Portés par le vent

Stéfane Campbell

BANG BANG, 11 mars 2010

C’était il y a tout juste un an. Dix mois plus précisément. Une rumeur persistante nous annonçait la sortie d’un album qui allait faire des vagues. La formation Clues, responsable du raz-de-marée, s’évertuait déjà depuis quelques moments – en toute discrétion – sur les petites scènes montréalaises, question d’y huiler la machine. Les initiés frétillaient déjà d’impatience, d’autres restaient prudents dans leurs élans. Puis vînt le choc : onze pièces d’une puissance poétique à tout rompre. À la fois grandiloquent, complexe et nuancé; oscillant de la tête au cœur dans un équilibre époustouflant, Clues allait faire jaser. Porté aux nues par la critique d’ici et d’ailleurs, le public a vite fait de suivre. Comptant dans ses rangs d’anciens membres des non moins estimées Arcade Fire et Unicorns, nous étions définitivement en présence de musiciens qui avaient fait leurs classes. À la veille de remonter sur les planches montréalaises pour la sixième édition du festival Sous la Neige et dans les Europes où elle complète son « Tour de France », la formation revisite son parcours avec nous…

« Comme nous tournons pratiquement sans arrêt depuis la sortie de l’album, nous avons l’impression d’en être encore immergés, nous jouons toujours les mêmes pièces avec autant de passion. Évidemment, le son et l’énergie se sont mutés. Vous verrez que live, nous cherchons à rebrasser les choses un brin… Lorsque le nouvel album sera conclu, nous pourrons alors nous pencher sur le premier avec un regard plus clair. Pour le moment, c’est encore le début de l’incursion, la première larme, le premier diamant », nous répondent-ils lorsque nous les incitons à prendre un certain recul sur ledit opus.

Au sortir de l’émoi causé par le premier opus et la tournée qui se conclura sous peu, quelle leçon tire-t-on de l’aventure? « Nous voulons plus d’espace pour le malt doré, plus de DJ Robert Earl Davis. Nic regrette son blogue; plus du batteur John Paradise. Nous avons un peu mieux compris quoi ne pas faire et perçu le vrai visage de tout un chacun durant cette année salement chargée. »

Après l’expérience des Unicorns qui se sont étiolés sous nos yeux aussi vite que nous nous étions emportés, quels acquis se transmettent à l’aventure Clues? « Ce sont les moments de silence quand des amis se regardent à peine l’un, l’autre qui nous émeuvent le plus. Que nous construisons l’empire – dans la solitude intérieure. Dans un état de bien-être absolu, nous bravons la route ensemble vers le château, éclairé d’un faisceau rosâtre qui nous guide aux abords des toitures, prenons notre envol… Nous acceptons d’être liés les uns aux autres pour cette aventure et, la majorité du temps, nous ne voudrions pas envisager les choses autrement. »

Une étrange histoire de plagiat s’est abattue sur le groupe l’an dernier lorsque Beyoncé Knowles a porté des accusations à l’égard du quintette montréalais concernant la pièce « You have my eyes now » qui afficherait de trop flagrantes ressemblances à sa chanson « Halo ». Commentant la situation, la diva s’est contentée d’affirmer : « More like thieves ». Qu’en est-il de l’état des lieux? « Tout semble avoir été réglé. Sur le coup, lorsque nous avons appris la nouvelle, nous étions pratiquement flattés… Comme un éveil, comme un rayon de soleil qui plombe sur nous. Qu’une personne des hautes instances ait pu percevoir un lien entre les deux chansons nous honore. Nous n’avons même pas senti le besoin de combattre, d’émettre un son… »

À défaut de quoi, les choses semblent à des lunes de vouloir ralentir.

À venir pour la suite : un EP gratuit en ligne pour l’été, de nouveaux vidéos et, idéalement, un nouvel album pour l’automne. Avec de nouveaux membres qui joignent l’aventure… Une histoire à suivre de près. cstrecords.com/bands/clues

Le festival Sous La Neige se déroule du 10 au 14 mars à Montréal. Pour plus de détails, consultez le www.underthesnow.ca.

Photo: Yannick Grandmont

Radio Radio : Enfants du Soleil

Radio Radio : Enfants du Soleil
Stéfane Campbell

26 février 2010

Loin de leur Acadie natale et apparemment gonflés d’une nouvelle ouverture sur le monde, les jeunes hommes de Radio Radio sortent du jacuzzi et embrassent le chercheur d’or qui sommeillait en eux. Toujours dans ce langage qui se distingue au premier phrasé, le hip-hop électro-bidouillé du groupe refait surface pour vous faire timer un second tour. C’est à la rencontre de pirates voyageurs que le quatuor – devenu trio – baisse l’agressivité de quelques crans et semble plus que jamais dédié à rapper son chiac partout où la tribune le permettra. Éternellement nomades et paré à prendre le large, les trois musiciens à bord nous expliquent les prémisses du nouveau périple.

D’entrée de jeu, qui diable peut bien être Belmundo? « C’est un gars qu’on a rencontré quand on était en Nouvelle-Écosse en train d’enregistrer the disc. On s’est arrêté à Oak Island (une île au sud de la Nouvelle-Écosse qui fait fantasmer les chercheurs d’or depuis plus de deux siècles) et Belmundo, c’est un aventurier, un explorateur, qui était là pour approfondir la recherche du trésor qui s’y trouve. Et le Regal vient du plaisir de l’aventure, c’est de la haute money quand même pis c’est un gars de l’Argentine et il passe son temps sur les sailboats et le thème de l’album c’est un peu ça : le gypsy regal, le monde nomade, l’aventure… mais qui est confortable. »

Aussi, bien que le rythme ne semble rien avoir perdu de sa vibe de party, le propos, ou plutôt la façon de le livrer, se serait, selon nos principaux intéressés, apaisé de quelques crans : « Cliché Hot, c’était beaucoup plus agressif… aujourd’hui, ça tape encore, mais il y a de l’élégance là-dedans. Avant, c’était crier pour crier, mais maintenant, on choisit nos moments pour le faire. C’est frapper moins fort pour avoir plus de fun. »

Parce que le titre d’ambassadeur peut devenir lourd à porter, sans ledit fun : « Notre musique a toujours été inspirée par le monde. C’est électronique, hip-hop, c’est sûr qu’on doit le sentir et même que l’accent acadien, on est presque plus encouragé à le mettre de l’avant à Montréal que par chez nous. Par chez nous, il disent “parlez un bon français pour avoir du succès”; ici à Montréal, ils nous disent “on aime comment vous parlez” so le plus qu’on est à Montréal, le plus qu’on est encouragé à parler avec notre accent. »

C’est donc en déménageant ses pénates dans la métropole que le groupe a pu embrasser une nouvelle liberté sur le plan de la création : « C’est sûr qu’en Acadie, ils voient l’ambassadeur avant la musique, ce qui n’est pas notre cas. Ce n’est pas tant qu’on se bat pour la cause, on fait juste les choses à notre manière… Notre objectif n’est pas de représenter l’Acadie, ça arrive plutôt naturellement par la musique. »

Un homme à la mer

Sur le départ de Timo, annoncé l’an dernier, les trois membres demeurent très respectueux du choix de l’ancien complice : « Il était ailleurs dans sa vie. Il voulait prendre soin de famille et on respecte ça. Il a eu une petite fille et il s’est retrouvé pris entre deux mondes. Quand tu pars sur la route avec une famille à la maison, t’as l’esprit à quelque part d’autre. »  Ça et le fait que le jeune artiste sentait vouloir exploiter l’univers visuel de sa création, via le tatouage et l’airbrush. « C’était un autre rythme et ça feelait pus right. » Et comme une image vaut mille mots : « Quand il est parti, c’est un peu comme si on était en haut d’une butte et tes souliers sont soaking wet. T’enlèves tes souliers et t’as de quoi de moins, mais tu pars à la course et ça finit par donner un élan de plus que rien d’autre. Et c’est de même qu’on feelait avec Belmundo, c’était meant to be… »

D’autant plus que, pour le première fois, le noyau de création habite et cogite dans un seul et même lieu : « C’est la première fois qu’on est tous ensemble à la même place. Sur Cliché hot, on était tous à distance, entre l’Ontario, Moncton et la Nouvelle-Écosse. Et là, c’est la première fois qu’on vit ensemble pis je crois que l’album a plus de cohésion pis on est tous sur la même page, des fois presque trop comme à matin, on se réveille et on s’est habillé pareil. Il y a vraiment une unité qu’on n’a jamais eu avant dans le groupe. »

« À Moncton, t’es dans une bulle. Il y a les anciens patterns, les anciens mindframe, alors q’ici, tout est nouveau. L’inspiration est perpétuelle. »

En quête de grandeur et de terre promise, le trio apparaît au final plus déterminé que jamais à prendre la place qui lui revient : « Au fond, Belmundo Regal c’est nous avec notre bagage culturel qui s’ouvrons sur le monde. Un peu comme les pirates avec leurs voiliers. C’est un peu l’équivalent mythologique de tout ça. Montréal, pour nous, ça devient un accès au monde. Je pense que si notre accent ne nous a jamais nui, c’est plus le ton agressif qui pouvait le faire. C’est pour ça qu’on a baissé l’agressivité. C’est plus la voix de quelqu’un d’ouvert sur le monde, à l’écoute. »

Un patrimoine qui se mute au gré du vent : « « La culture se vit aujourd’hui, here et now, elle évolue et se transforme au fil du temps tandis que l’histoire se lit dans les livres… et l’Acadie here and now, c’est trois enfants du soleil qui sont à Montréal. »

Lancement le 4 mars au Cabaret Juste pour rire

laradioradio.com

The Dirty Tricks: Rock De Fond

The Dirty Tricks : Rock de fond

The Dirty Tricks refait enfin surface après deux années un peu trop silencieuses. Tout ceci suit bien sûr leur album Sauve qui peut! Sorti en 2007 (précédé de deux EPs) et qui a connu les accolades tant du public que de la critique. C’est donc en propulsant son tout nouveau Double Vision, à paraître début mars, que le groupe s’apprête à rouler son rock de façon toujours aussi robuste, rappelant sans ambages les racines punk qui l’ont formé, mais en raffinant tout de même la proposition qui devient plus sombre que jamais. Comme en témoigne d’ailleurs le superbe emballage du produit : un vinyle de deux titres dont une facette est peinte par un artiste montréalais. Très artsy, très D.I.Y. : punk un jour…

Et sur le fond, la trame se fait tout aussi conséquente : « Je pense que ça continue dans la lignée punk de nos débuts, par contre, il y a quelque chose de plus mature, ce n’est pas plus compliqué, mais c’est plus dur, plus sombre. C’est définitivement un rock plus actuel… les claviers sont beaucoup moins raw, les sons sont plus travaillés, plus mis de l’avant. Et dans l’ensemble, c’est plus aéré, la voix bouge beaucoup. En show, c’est ben plus le fun à chanter, et à jouer. Je ne suis pas à bout de souffle à la moitié du concert. On est vraiment satisfaits de ces tounes-là. » s’emballe Jonathan Beauregard, auteur et principal compositeur de la formation.

De « ces tounes-là », on parle en fait de deux pièces sur le vinyle susmentionné – bonifié d’une carte de téléchargement de quatre pièces enregistrées live en studio. Assez pour faire rechigner quelques-uns des mélomanes qui se gavent à coups d’albums. Ce qui s’explique par des motifs tant esthétiques – « On aimait vraiment l’idée du vinyle à un côté. Il n’y aura pas de rainures sur la face B, ce sera du artwork, ça fait un très bel objet » – que pratiques – « On n’a pas l’ambition de take over the world. C’est plus un band qui se rejoint pour prendre une bière et jammer… quand nos horaires le permettent. »

Small is beautiful…

Cela dit, pour un groupe qui ne se prend pas trop la tête, on peut dire que les échos se sont assez vite fait sentir. Entre des tournées à travers le Canada et aux Etats-Unis, des premières parties notoires (Against Me!) et quelques titres qui rebondissent sur le petit écran (M+, Razor, ABC), disons qu’on a vu des retombées plus discrètes : « Cest sûr que si on a une opportunité de festival ou de tournée, on ne dit jamais non. Mais on a été sollicités par de plus grosses maisons de disques et on a décidé, d’un commun accord, qu’on préférait continuer de faire notre truc de façon indépendante. Faire des shows, remplir nos petites salles, partir en tournée, tout ça sans le poids d’un gros contrat. On a tous nos trucs à côté, personne n’est musicien de métier dans le groupe. De cette façon-là, on garde le plein contrôle et on a du fun à le faire. »

Double Vision donc pour un double lancement (oh! Le concept!) à L’Esco (« on voulait retourner à la source, on a fait beaucoup de shows là-bas et ça vire toujours en party » : avis aux intéressés) les 21 et 22 mai prochain.

myspace.com/dirtytricks

The Horney Bitches: Le Sexe Fort

BANG BANG, février ’10

D’emblée, brisons la glace comme il se doit : Les Horny Bitches projettent une image de garces débridées on ne peut plus fidèle à leur nom. Et d’affirmer que le trio ne fait pas dans la dentelle relève ici de l’euphémisme d’autant plus marqué si l’on considère les noms de scène respectifs tout aussi peu subtils de chacune : Iza Bitch, Juicy Mary et Virgin Slut. En alliant un punk rock agressif à une image repiquée dans les canons hypersexualisés du monde de la porno, disons que la proposition ne s’empêtre pas dans les sous-textes. Qu’à cela ne tienne, nous avons discuté avec Virginie Grégoire (alias Virgin Slut), question d’éclaircir quelques points et de mettre la table pour le lancement du premier gravé officiel de la formation, Thirteen Reasons To Fuck, dans quelques jours.

Si l’on connaît les Horny Bitches sous forme de trio, c’est sous l’initiative de Virginie que l’idée a pris forme : « Je trouvais le nom très drôle quand je l’ai trouvé, mais ça n’a pas été évident de trouver d’autres filles qui étaient d’accord. » C’est donc après quelques essais/erreurs sur le plan du personnel que le line-up tel qu’on le connaît présentement s’est matérialisé. Et bien que la formation ait commis ses premières élucubrations en septembre 2007, ce n’est qu’une année plus tard que les chaudes demoiselles ont foulé les planches : «  Il y a trop de bands qui ne jamment pas assez avant les shows, ça devient emmerdant pour le public. On voulait s’assurer d’être tight avant tout.»

Insérez ici la tonne de blagues douteuses…

Et maintenant, revenez.

Couilles d’acier

Vous dites que le concept porno est mis de l’avant afin d’y exposer l’aspect risible des standards de la pornographie; as-tu l’impression que le message passe? « Je pense que le monde nous prend plus ou moins au sérieux. On se prend plus au moins au sérieux… En show, on ne revendique rien ouvertement, c’est que du gros n’importe quoi. » Par « n’importe quoi », on entend ici trois filles vêtues (parfois assez légèrement) de latex qui martèlent leur rock le plus bruyamment possible. « Tout ce qu’on cherchait à souligner, c’est que le sexe représente la société aujourd’hui sur tous les fronts, qu’il est partout, mais qu’on en parle très peu. On s’est dit qu’on allait jouer là-dessus à fond. On exagère tout le plus possible. »

Est-ce que les Horny Bitches sont féministes? « On surfe un peu sur la ligne entre les féministes qui adorent ce qu’on fait alors que d’autres sont carrément enragées en nous voyant. C’est vraiment très partagé, mais, personnellement, on ne se réclame pas du féminisme. En fait, il y a eu plus de gars que de filles qui nous ont dit que ce qu’on faisait était dégradant. (..) On n’attaque pas les gens, c’est clairement humoristique. »

Attaque ou non, avec des titres tels «  Chicks with dicks », « Your ass is a storage room » ou encore « DP story », on est plus dans le Hustler de la chose que le douillet Playboy : « On a acheté un dictionnaire des déviances sexuelles pour se donner des idées et on a réalisé qu’on ne connaît pas la sexualité tant que ça. Finalement, je me dis qu’on a du matériel pour faire à peu près 250 albums. » Bonne nouvelle pour les adeptes.

Un peu de musique, bordel de merde!

Forcément, lorsqu’on opte pour une esthétique aussi caricaturale, l’un a tendance à minimiser le volet musical de l’entreprise… « Oui vraiment. Comme tu as pu remarquer dans les entrevues publiées à ce jour, on ne parle à peu près pas de musique. »

Et de quoi en retourne-t-il donc? « Un punk rock assez rapide, constamment dans le tapis. Les vocalises sont claires. Beaucoup de monde nous a comparés à Vice Squad notamment pour le son. C’est clair que dans le genre il y a beaucoup moins de groupes de filles donc les référents se font plus rares… » Et la musicienne se dit très fière de l’album à paraître : « Je suis vraiment contente. Pour un premier CD, on est arrivé à quelque chose de très solide. C’est certain qu’il y aurait toujours des trucs à corriger, faute de temps et de moyens, mais somme toute, je suis très satisfaite. »

Et le lancement risque d’en laisser quelques-uns pantois : « On prépare un gros show, quelque chose de très théâtral… On veut leur mettre ça dans’face. On veut que les gens aient à peine le temps de fermer les yeux. Il y aura beaucoup d’interaction comme toujours… Et beaucoup de rose… »

En concert le 20 février au Café Chaos (lancement montréalais), le 27 au bar Le Trash de Saint-Hyacinthe, le 6 mars au bar Le Magog de Sherbrooke et le 10 avril au café-bar L’Agité de Québec.

myspace.com/thehornybitches

Final Flash : Après le déluge

SKUNK, février ’10

La feuille de route du quintette montréalais Final Flash a de quoi impressionner.  Après des passages remarqués aux Canadian Music Week, Pop Montréal, M pour Montréal, Whistler Canadian Music Showcase de même qu’à South by Southwest – où ils récidiveront en mars prochain – en plus d’une tournée en Chine l’an dernier, le groupe de folk-rock-psychédélique ne chôme pas. Récemment repéré par EMI (et sous contrat avec Indica au Québec), 2010 s’annonce du coup tout aussi chargée. Si ce n’est plus. Seul ombrage au tableau : aucun album sur le marché pour le moment. L’objet, initialement promis à l’été 2009 puis repoussé à maintes reprises, suscite une attente qui a de quoi irriter Joey Chaperon Cyr, chanteur du groupe : « Mets-en, on est en train de déprimer ! » Une déprime bien relative, va sans dire.

Avec un buzz qui s’est répandu comme une traînée de poudre et une sortie d’album prévue pour mars, le jeune homme semble tout de même bien heureux du résultat réalisé par Jace Lasek (Besnard Lakes) : « Ça a cliqué de façon automatique entre nous. On se surprenait à avoir les mêmes réflexes et les mêmes idées, c’en était pratiquement troublant par moments. »

Intitulé Homeless, le gravé nous présentera le fruit d’un travail mis en branle il y a un peu plus d’une année. Un décalage qui s’explique en partie par l’ajout de EMI à l’équation: « Ils veulent cerner le public avant tout, élaborer des stratégies, faire un lancement digne de ce nom, etc… » Disons en somme que la machine mise de l’avant a un peu plus de moyens pour corroborer ses ambitions.

Au fait, signer avec un major, ça change pas le monde, sauf que… « Je n’y pense pas vraiment… Si j’avais eu 19 ans, je serais tout excité mais bon, ce n’est pas le cas et puis j’ai surtout hâte que l’album sorte, que les choses se mettent réellement en branle. Disons que je suis plus terre-à-terre. Et c’est un milieu où l’on se fait beaucoup de promesses mais il faut savoir jongler avec l’imprévu…. Tsé, la tournée en Chine s’est soldée en trois jours ! tout ce que je veux, c’est de faire le plus de shows possible. C’est vraiment là que ça se passe. »

Plus discret sur son passé musical, notamment au sein de formations grindcore, Joey explique ses réticences à aborder ses fantômes : « Ça donne des fausses pistes … Si tu me disais que Converge fait un album pop, ça va me mettrait en câlice. Je ne veux pas être perçu comme le gars qui ramollit pour pogner. J’ai toujours écouté de toutes les sortes de musiques. Du metal au folk. Et je ne voudrais pas que les gens essaient d’entendre les consonances grind dans Final Flash. » Voilà qui est clair.

Et ledit son de Final Flash, on le décrit comment ? « C’est difficile à dire, c’est sûr qu’on trippe sur les années 60-70, le psychédélique, le folk. En fait, disons que mon rêve dans la vie serait d’être en 67 pour faire un album. » À défaut de quoi, 2010 fera l’affaire.

http://www.myspace.com/finalflash

Blue Skies Turn Black: Le ciel nous tombe sur la tête

Blue Skies Turn Black : Le ciel nous tombe  sur la tête

BANG BANG, février ’10

Prenez deux jeunes anglophones montréalais, ajoutez-y un amour quasi obsessionnel du rock et un brin de désenchantement devant le peu de diffusion de la chose et vous obtenez à peu près l’équation qui a vu naître Blue Skies Turn Black. Tout cela au tournant du millénaire. Principalement à titre de label pour certaines formations d’ici à ses débuts (Dirty Tricks, Kiss Me Deadly), puis devenu au fil du temps l’un des promoteurs de concerts les plus investis de la scène indé de la métropole, BSTB célèbre donc dix années de loyaux services cette année. De quoi célébrer.

Et c’est exactement ce que Meyer Billircu et Brian Neuman – les deux têtes dirigeantes de l’aventure – et leurs complices comptent faire, trois fois plutôt qu’une, les 25, 26 et 27 février prochains au Il Motore. « Ce sera une belle et grande fête. Nous travaillons pour réunir des artistes de toutes les disciplines : photo, art visuel, sérigraphie, musique; nous voudrions réunir les affiches d’anciens spectacles, revoir les groupes avec lesquels nous avons travaillé et même certains qui pourraient se reformer pour l’occasion. Nous savons déjà que North of America – le premier groupe que nous avons booké de notre histoire – sera de la partie… », nous dit Neuman, sans vouloir trop en dire. Eux et quelques autres : The Besnard Lakes, Shapes & Sizes, Grand Thrine, Black Feelings ainsi qu’une douzaine de formations ont déjà été annoncées. En plus des surprises de mise pour le type d’événements…

Bilan skies turn black…

Bien sûr, l’anniversaire entraîne l’heure des bilans. Fin observateur des nombreuses mutations de la scène musicale made in Montreal depuis plusieurs années, le jeune homme constate l’explosion des lieux de diffusion dont la cité a su bénéficier : « Il y avait si peu d’endroits quand on a commencé. C’est clair qu’à travers les années, on a vu naître une panoplie de nouvelles salles. Alors qu’il y a dix ans, il y avait le Barfly, le Jailhouse et le Café Chaos. Disons que ça facilite les choses pour les groupes locaux qui ont beaucoup plus d’options. Et ça amène beaucoup plus de musique d’ailleurs à Montréal, ce qui est bénéfique pour tout le monde. »

Une carence de salles qui était d’ailleurs à l’origine des premiers pas de l’entreprise. « On voulait voir les groupes qu’on aimait. Et je me souviens qu’à une certaine époque, on ne savait parfois même pas comment se rendre aux endroits où les concerts avaient lieu tant l’information était mal diffusée et les lieux étaient improbables… C’est ce qui nous a amenés à vouloir organiser des concerts. À des endroits faciles d’accès et avec une promo adéquate. » Bien qu’un hobby au départ, le tandem a vite cru bon de fonder le label Blue Skies Turn Black pour endisquer quelques-uns de ses amis.

Mais éventuellement, les spectacles ont pris le dessus. Et les groupes sous contrat se sont dissolus – « et c’est beaucoup plus excitant de se concentrer sur les spectacles. »

Du Barfly à l’aréna Maurice Richard…

Et d’un concert au prochain, les salles ont grossi, le public s’est montré toujours plus assoiffé, les cieux se sont assombris : « Les souvenirs les plus marquants sont sans aucun doute lorsque nous atteignions un nouveau seuil de grandeur. Notre premier spectacle était au Barfly il y a dix ans et nous avions rempli la salle au-delà de la capacité… 180 personnes s’étaient pointées. Et puis il y a eu le concert de Unwound qui fut notre premier à la Sala Rossa. Et le plus gros à ce jour : Arcade Fire à l’aréna Maurice Richard. De voir une aussi grosse production autour d’un groupe qu’on a littéralement vu grandir sous nos yeux, ce sont des moments très intenses… »

Incidemment, les « coulisses du pouvoir » se sont révélé sous leur vrai jour : « C’est étrange par moments de constater que plus les productions sont grosses – donc que les affaires vont bien – moins on a de contact direct avec les groupes. Ça devient vraiment le business, on doit passer par une tonne de gens avant d’arriver à l’artiste directement. Et ce si l’on s’y rend. J’étais bien loin de penser que ça allait devenir comme ça un jour, surtout dans le monde de l’indie rock. Plus le genre prend du gallon, plus le sentiment de camaraderie perd des plumes. Et moins tu te sens près du motif à la source de ce pourquoi tu es là… C’est un drôle de feeling. »

Aussi, l’inévitable question bien de chez nous : est-ce que les deux solitudes tendent à se rencontrer sous le firmament noirci? « J’aimerais penser que oui bien que ce soit difficile à jauger. Nous invitons des groupes de partout à travers le monde sans égard à la langue vraiment donc je suppose que nous attirons une foule tout aussi hétéroclite et qui ne fait pas nécessairement grand cas du fait que le groupe s’exprime en français, en anglais ou n’importe quelle autre langue… Nous cherchons surtout à faire venir des groupes que les gens voudront voir, sans préjugé défavorable. » The show must go on.

Et le premier gig à vie de BSTB? Une projection de film. Oui, de film.  Un documentaire retraçant dix années à suivre le groupe Fugazi, Instrument : « On voulait vraiment le voir et il n’y avait aucune projection de prévue pour Montréal… On s’est dit qu’on devrait en organiser une. Et c’est suite au succès de l’événement qu’on a réalisé que l’on pouvait le faire… » Une histoire qui s’écrit toujours.

10e anniversaire de Blues Skies Turn Black:

25 et 26 février au Il Motore (179 Jean-Talon Ouest)

Parmi les invités: No Joy, Snailhouse, Adam and the Amethysts, Little Scream (avec Becky Foon), Shapes & Sizes, Black Feelings, Grand Trine, Ultrathin Tonstartssbandht, Special Noise et plusieurs autres.

http://web.blueskiesturnblack.com/

Local Luv

SKUNK, Février ’10

Chère Scène Locale,

Il s’en est passé des concerts survoltés et des fêtes arrosées et même inondées, des moments de grâce et de durs lendemains, des envolées lyriques et des distorsions abrasives depuis nos premiers pas ensemble. Tu te rappelles nos premiers ébats?.. Naïvement mais solennellement entêtés à crier haut et fort à qui refusait de l’entendre que nous avions entre les mains quelque chose de grand, quelque chose d’unique, quelque chose de beau. Dans la foudre et la lumière, nous allions convaincre même le plus entêté des bornés qu’il y avait dans nos têtes, nos ventres, nos cœurs, une musique qui devait être entendue. Dans toute sa fougue, sa diversité, sa ténacité face aux grands manitous des tribunes qui faisaient la sourde oreille. Ceux-là qui encore aujourd’hui peinent à rejoindre le navire – de peur d’être arraché à leur zone de confort surfaite et passablement indigeste.

WD-40, 2008

Dès les premières rencontres, avant l’aube du nouveau millénaire, on se courtisait dans un Café Chaos au bas de la côte, un Jailhouse encrassé, un Purple Haze aujourd’hui couleur Saphir ou encore un Backstreet tombé dans l’oubli… Au moment où  Caféine et ses Bodums t’imploraient de « ne pas partir avec ce beau brumel », que WD-40 t’enlevait littéralement tes « petites culottes » et que Overbass dansait la « Cucaracha »… Et nous savions qu’un projet était bel et bien en branle. Dans les fonds de salles de spectacles emboucanées (parce qu’on fumait beaucoup et partout) où le plafond suait sur nos corps devant les couinements des Secrétaires Volantes et Generatorz ou le muscle des Démolition, Parias et Bons à Rien.

Me Mom & Morgentaler, 2007

Déjà là, certains guerriers réalisaient des exploits sans le moindre support des structures alors en place. Grim Skunk se demandait « Pourquoi ne pas fumer? C’est ben légal de boire » sur fond de claviers et guitares progressivement punk, devant des salles de plus en plus grandes et bondées à ras bord alors que Me Mom & Morgentaler remettait Shiva et le ska au goût du jour et arrêtait la pluie au Festival d’Été de Québec tout en revitalisant au passage une scène fermée sur elle-même depuis belle lurette. We are revolting.

Une époque où les skankers sortaient leurs plus beaux atouts pour se trémousser sur les consonances festives des Planet Smashers, Kingpins, Gangster Politics (qui comptait dans ses rangs quelques membres des Stills de même qu’un certain Patrick Watson) et une flopé d’autres formations qui portaient à bout de bras le seau d’une scène ska qui connut son apogée local.

C’était du coup l’époque où on frétillait de plaisir à chaque été au Polliwog devant les Banlieue Rouge, Guano, Anonymus ou encore Necrotic Mutation qui s’époumonaient dans les parcs. Tu te souviens?..

Et dans un coin plus sombre, B.A.R.F. vociférait « Wo Wo Tabarnak » en mode accéléré dans l’urgence de notre amour qui faisait mal. Plus férocement confidentiels encore et sur les dents, les Seized, Wisigoth et autres Disagree nous crachaient leur hargne en plein visage et versaient une larme sur le triste constat qu’ils tiraient tout droit de la rue.

Dans la foulée, une ligne de basse qui résonne encore alors que Groovy Aardvark somme l’ultime question – tout simplement : « Y’a tu kelkun qui a un problème?! »

C’était ça nos débuts ensemble.

Ça fourmillait de partout et cherchait à se rallier, on criait beaucoup mais on avait surtout besoin de support, de structure. Il y avait eu Cargo ou encore MPL mais trop peu pour réellement unifier les troupes. Vint alors le Forum des Musiques Amplifiées, une initiative de quelques têtes fortes de l’émergence – le terme commençait d’ailleurs à prendre un sérieux coffre – qui cherchaient à créer un point de rencontre pour nous tous, tentacules d’un même vaisseau.

Pour toi, ma belle scène locale.

Tout ce boucan a donné naissance à la sacro-sainte SOPREF (Société pour la promotion de la relève musicale de l’espace francophone) qui tiendra le phare pour un peu plus de dix années. Elle nous éclairait toi et moi, informait nos choix, distribuait notre pain et notre beurre avec son fanzine Kerozen et son réseau de distribution Local. Elle en a fait beaucoup, s’est mutée en diverses incarnations au fil du temps, s’est adaptée à nos bouleversements pour s’éteindre il n’y a que quelques mois de ça. Non sans amertume mais le cœur gonflé de souvenirs.

Nous avons encore un pincement en passant au coin des rues Ontario et Saint-Hubert à Montréal où trône toujours l’enseigne des anciens locaux…

Wisigoth @ L’X, 1999

Parallèlement à ce chaos qui s’organisait, notre idylle millénariste a pris son envol en mode féroce. En mal de salles où se déployer, une poignée de jeunes dits marginaux – le mot nous roule en bouche – mettaient sur pied la coopérative de l’X où nous allions voir nos groupes préférés de l’époque. Je me rappelle encore les déboires des Saintes Catherines et des Ordures Ioniques, les grognements de Saturation, Up Against, Harsh, X-plicit Noise ou Deadly Pale et les percussions tribales de Bodybag qui galvanisaient nos élans. La salle se muterait éventuellement en Katacombes, un peu plus à l’ouest.

Du coup, la communauté métal prenait du galon alors qu’Anonymus poursuivait sa conquête, que les Ghoulunatics honorait Elvis et qu’Atheretic faisait des ravages sur scène. La palme revient tout de même à Cryptopsy dont les prouesses techniques impressionnaient jusqu’à l’étranger. C’était aussi les premiers balbutiements de Despised Icon qui connaîtrait une impressionnante ascension…

C’était l’amour qui gronde, celui qui perfore le ventre, qui fend le cœur.

On se vautrait aussi dans le rock. Le brut, le vra’. On entendait les premières mesures des Tricky Woo et Bionic. Et très vite, de sa réplique francophone sous l’emblème du Nombre qui ne réinventait pas la roue mais la huilait grassement. À notre grand bonheur.

La scène garage de son côté imposait de plus en plus sa présence avec les Sexareenos, King Khan & BBQ ou encore les Breastfeeders qui honoraient leurs racines avec l’aplomb d’un jeune premier et l’intelligence du vieux routard. L’Escogriffe (devenu simplement L’Esco) en sera l’un des principaux points d’ancrage.

Godspeed You! Black Emperor

L’air était bon, c’était les débuts des labels Dare To Care et son pendant francophone Grosse Boîte un peu après de même que C4 qui suivaient les traces d’Indica ou encore Constellation qui nous a donné l’un de nos premiers gros coups de la décennie : Godspeed You! Black Emperor. Ces musiciens qui faisaient de la mathématique avec l’émotion : la commotion, ça nous a scié les jambes.

Du côté anglophone – et de plus en plus bruyant – The Unicorns lançait un album mémorable qui allait être l’unique lègue du groupe ainsi que The Stills qui affirmait que la logique allait nous briser le cœur. Je me souviens de « still in love song », un peu comme une hymne à toi.

Et les salles ont commencé à se multiplier : Casa Del Popolo, Sala Rossa, Il Motore et autres Zoobizarre ont permis à nombre de formations de se faire les dents.

Et tu te souviens en 2004, alors qu’on savait que les choses allaient bon train : jamais aurions-nous pu espérer une aussi grosse secousse. Soudainement, de local à international, il n’y avait qu’un pas. Et deux mots : Arcade Fire. L’ascension montréalaise du groupe ayant fait son chemin assez rapidement à la fin de 2003, voilà que David Bowie les invite sur scène, les médias internationaux font un plat, le TIMES leur consacre la couverture, bref : la totale. Et tu te souviens de cette rentrée montréalaise au Théâtre Corona? Il y avait Wolf Parade qui lançait le bal – avant le déluge rencontré par la suite… Tu te souviens de l’état de grâce absolu ressenti devant la bande de Win Butler? De l’éblouissement devant cet équilibre parfait entre sensible et virtuosité… Et l’impression d’assister à un moment privilégié. De toucher au sublime. Tu rayonnais dans toute ta splendeur ce soir-là ma belle.

Tout ce vacarme a connu un écho sans précédent pour toi. Tu t’es retrouvée dans la mire de plusieurs observateurs internationaux de renom, tu t’es vue gratifiée de mentions sinon carrément de dossiers dans plusieurs publications outre frontières (Spin, Rolling Stone, Les Inrocks, Pitchfork). On t’appelait la nouvelle Seattle. Le feu aux poudres, je te dis…

Bon, les choses se sont calmées depuis, comme toute bonne hype, mais les gains acquis restent à ce jour palpable : quand tu grondes, on t’écoutes attentivement.

Tu t’es mise à la page web, comme tes consoeurs de par le monde. Une nouvelle ouverture – sans filtre – se pointait à l’horizon. On a voyagé partout pour présenter le fruit de nos talents. Malajube « la bouche pleine de confettis », We Are Wolves et leur « total magique », l’exhubérance déchaînée de Duchess Says, les Cowboys Fringants qui réclamaient un « break syndical » et, tout récemment, Béatrice Martin et son Cœur de Pirate qui prenaient d’assaut la francophonie entière.

La Patère Rose @ Le National, 2009

Signe des temps aussi, tu as voulu ratisser plus large. Aux sonorités extrêmes des premiers jours, tu as ajouté de nouvelles cordes à ton arc : la pop, le folk, l’électronique et d’autres genres plus ou moins discrets dans notre réseau ont ainsi pu réclamer leur part de gâteau. Pêle-mêle : Dany Placard, 3 gars sul’ sofa, Dobacaracol, Radio Radio, Misteur Valaire, Numéro#, Avec Pas d’Casque, La Patère Rose, Le Roi Poisson, Beast, Bernard Adamus ou encore Marie-Pierre Arthur ont tous bénéficié d’une attention de la scène locale qui aurait été plus ou moins imaginable à nos débuts.

Et tu continues toujours à me séduire après tout ce temps. Après toutes ces épreuves traversées à tes côtés, à t’observer, à t’encourager et te défendre comme une louve et ses rejetons. Merci pour tous les bons moments ma douce. Et poursuis ta lancée, on a un millénaire à faire bouger.

S.

DJ Mini à l’Igloofest : Un piknic en hiver

DJ Mini à l’Igloofest : Un piknic en hiver

DJ Mini à l’Igloofest : Un piknic en hiver

BANG BANG

Stéfane Campbell

7 janvier 2010

Question de rendre l’hiver un brin plus agréable, l’équipe du Piknic Électronik investira pour une quatrième année le Quai Jacques-Cartier du Vieux Port pour y faire sautiller les one-piece fanas de musique électro. Offrant donc un « antibio-tuque » aux accents fluo à ses nombreux amateurs, les organisateurs ont cru bon d’allonger la formule sur neuf soirées en trois week-ends. Boulimie musicale qui a de quoi nous faire oublier la neige brune tout en éliminant les graisses de tourtières accumulées. Danseurs : à vos igloos.

S’assurant bien sûr d’un échantillon de talents autant local (Maus, Mightykat) qu’international (Italoboyz, Matt Tolfrey), c’est à DJ Mini que revient l’honneur de lancer la galère le 14 janvier prochain. De quoi faire frétiller de bonheur le jeune artiste : « Je suis tellement contente d’y participer! J’attendais avec impatience d’y rejouer (la DJ était de la partie lors de la deuxième édition de l’événement). Je l’ai dit et le redit : c’est à ce jour ma meilleure gig à vie. J’ai tripé comme une débile et la réponse des gens est carrément hallucinante, ils sont hystériques. C’est une ambiance de la mort. »

Coïncidence assez particulière, c’est aux côtés du pilier de l’électro-techno David Carretta – avec lequel elle partage quelques atomes crochus sur le plan musical – que la jeune femme s’évertuera sur les platines. Celui-là même qui vient de la mettre sous contrat pour le label français Space Factory : « Ça tient vraiment du hasard, je pense que les organisateurs n’étaient même pas au courant que j’avais été signé sur son label quand ils ont organisé le programme. Il faut dire que je l’avais fait venir trois fois à Montréal dans le cadre des soirées Overdose (au Parking) donc les gens ont tendance à associer notre travail. »

CD Mini

C’est d’ailleurs suite à l’hiatus définitif de ladite soirée que Mini a décidé de concentrer ses énergies sur un deuxième album à paraître cette année sur le label de Carretta. Au sujet de cet opus, nous ne réussirons à soutirer peu sinon pas d’information si ce n’est que quelques remix et compos signés par la musicienne et qui se ponctuent sur autant de compilations y trouveront fort probablement refuge. Mais, étant beaucoup trop tôt dans le processus pour s’avancer sur une direction musicale précise de même qu’une date de sortie fixe, on devra prendre notre mal en patience.

Du coup, sans trop s’étendre sur le cas Overdose dont elle a tenu les rênes durant sept ans, elle explique le choix d’y mettre un terme un peu comme une fin de cycle : « Ça faisait tout de même sept ans que la soirée roulait (les deux premières années furent assurées par Frigid) et je sentais que le temps était venu (…) Et avec le nouvel espace du club, je sentais que la formule s’éventait un peu, la clientèle a beaucoup changé et ça cadrait plus ou moins avec ce que je fais… » Bref, neuf ans après la création de la soirée, le cœur n’y était tout simplement plus.

Qu’à cela ne tienne, c’est sous le ciel étoilé du Vieux Port que Mini retrouvera ses palpitations avec un plaisir contagieux. Rendez-vous dans l’igloo.

Notez que l’Igloofest se met cette année à la page 2.0 en offrant sa programmation sous forme d’applications à télécharger sur votre iPhone. Difficile d’être plus branché. Disponible sur le App Store de iTunes.

igloofest.ca

djmini.com

ESSENTIELS DE 2009

Les essentiels de 2009…

SKUNK, fevrier 2010

Stéfane Campbell

BERNARD ADAMUS – Brun

Grosse Boîte

Sans contredit l’ascension musicale de l’année, Brun, d’abord édité de façon indépendante aura finalement été piffé par le flair de notre sur-efficace Grosse Boîte. Cela suivant un prix de la SOCAN en plus d’une razzia au dernier festival de la chanson de Petite Vallée. Voici donc une concoction de blues aussi crasse que lancinant sur lequel s’évertue une voix typée et éraillée nous débitant des textes spirituels, tantôt ludiques, tantôt plus profonds et faisant preuve d’une réelle sensibilité littéraire. Sorte de Tom Waits imprégné de fleur de lys, Adamus réussit avec Brun un gros coup. Et nous plante un décor de taverne qui fleure bon le vice et le whisky par le billet duquel l’auteur-compositeur-interprète scrute les travers d’un monde un brin désenchanté mais bel et bien vivant. Un brun chaud et enveloppant, un brun couleur d’amour mais surtout un brun qui n’a jamais sonné aussi vrai. En plus de quoi on bonifie le parcours d’une reprise de « La foule » de Piaf qui, ma foi, devient quasi-candide : un pari tout de même risqué. Définitivement au-dessus de la mêlée et sans contredit le coup de cœur de 2009.

MALAJUBE – Labyrinthes

Dare To Care

Jamais chose facile de suivre un succès bœuf comme celui que Trompe L’œil a pu rencontrer. Qu’à cela ne tienne, le combo qui fait la fierté de Sorel s’est arraché de sa zone de confort pour se lancer à corps perdu dans ses labyrinthes. Une galette dense, exploratoire et complexe au possible qui témoigne de loin du travail le plus abouti du groupe à ce jour. Un tour de force qui met à défi les paradigmes pop érigés par ses prédécesseurs en plongeant ici dans un univers plus oniriques, complexifié de claviers sombres et quasi cérémoniaux appuyés par des guitares lugubres et éthérées. Un lieu où les voix de Julien Mineau et ses complices (au grand dam de certains) se font encore plus décalées, sinon carrément secondaires dans certains cas. Onze pièces difficiles d’approches apriori – presque au bord de la surcharge – mais qui, au final, deviennent le témoignage d’un groupe en pleine maîtrise de ses moyens. Un des rares albums qui au fil des écoutes s’avère carrément indispensable. Signe incontestable de grand art s’il en est.

MARA TREMBLAY – Tu M’Intimides

Audiogram

Plusieurs observateurs se sont enflammés sur le cas Marie-Pierre Arthur, jadis choriste pour Mara et qui présentait un premier effort solo cette année. Avec raison certes mais rendons à César ce qui lui revient : le disque country – plus pop que jamais dans ce cas-ci – qui a pris tout le monde par surprise cette année est sans contredit Tu M’Intimides. Une musicienne au sommet de son épanouissement qui se dévoile comme jamais elle ne l’avait jusqu’ici (évitez les parallèles boiteux avec la pochette) laissant du coup la place à de nouvelles envolées vocales, hautes perchées (« Tu n’es pas libre ») et résolument décomplexées. À des lunes de l’atmosphère claustrophobe du Chihuahua d’il y a dix ans, ici, tout respire l’état de grâce dûment acquis d’une musicienne accomplie. Et ce même dans les quelques moments plus sombres (« D’un côté ou de l’autre ») où la rancœur prend des airs de résilience. Mentionnons la réalisation d’Olivier Langevin qui élève la proposition vers le sublime. Un disque d’une rare beauté.

VALLEYS – Sometimes Water Kills People

Semprini Records

Anciennement There Were Valleys, l’ex-duo devenu quatuor arrive à son plein potentiel sur ce premier album officiel. Sous les bons soins de Semprini Records (Pas Chic Chic, Call Me Poupée), Mathilda Perks et Marc Saint-Louis , les têtes dirigeantes du projet, couchent sur pistes neuf compositions éthérées (« Slow path », « Le sujet est délicat »),cérébrales et un brin déroutantes (« CR68C »), soutenues par une ambiance feutrée et sensible comme rarement il se fait. Passé maître dans l’art d’utiliser une instrumentation dite conventionnelle (guitare, clavier) pour la faire dévier de ses consonances habituelles, le groupe déploie ses harmonies avec une subtilité et des strates sonores qui imprègnent la proposition d’une poésie dense et très inspirée. Présentées en bloc, les neuf pièces s’enchaînent et se fondent les une aux autres comme autant d’esquisses d’une grande et même fresque. Ne s’égarant jamais du cœur de l’entreprise, Valleys tisse une mosaïque sonore et aussi riche qu’envoûtante. Très, mais très, réussi.

En vrac…

La Patère Rose – éponyme

Prenez deux membres de Misteure Vallaire, ajoutez la gymnastique vocale et la présence mélodieuse de Fanny Bloom à l’équation et vous obtenez l’album pop le plus strident et explosif de l’année.

Le Roi Poisson – éponyme

Martelant un rock multiréférentiel où les claviers volent la vedette, les cinq jeunes hommes de Sherbrooke font preuve d’un imparable sens mélodique doublé d’une dextérité surprenante.

LHASA – éponyme

Exit la gitane des premiers efforts, Lhasa se prélasse ici dans la langue de Shakespeare sur une folk-country transcendante. Où la contribution de Patrick Watson constitue à elle seule l’une de plus belles rencontres depuis des lustres.

CLUES – éponyme

Descendant des Unicorns et Arcade Fire pour ne nommer que ceux-ci, ce premier opus du quintette montréalais déploie un horizon des possibles aussi foisonnant qu’enivrant. Le rock orchestral à son paroxysme.