Archive pour août 2007

DIE MANNEQUIN: Art Brut

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Die Mannequin – Art Brut

Par : Stéfane Campbell

BANG BANG, août 2007

 

Du haut de ses vingts ans, Care Failure, leader du groupe Die Mannequin, impressionne. Vamp à la démarche déglinguée et aux accoutrements rock de la vieille école, nous avons affaire ici à une femme de front qui revient de loin, et qui ne fait surtout pas un plat de se trouver dans un « monde d’homme » (sic). Tant au plan personnel (punk rock, rue, dope, et tout ce qui nourrit les textes du groupe) qu’au plan professionnel. Et la feuille de route, avec tout juste deux années au compteur, impressionne.

 

En effet, le groupe lançait cette année sa propre étiquette de disque (How To Kill Music) – « rien d’extraordinaire vraiment, […] un chien ou un chat pourrait probablement appartenir un label, […] je voudrais surtout trouver des nouveaux bands qui sonnent bien et les représenter, […] dans un esprit de famille». Dans l’envolée, la formation brisait aussi, au printemps dernier, la glace pour des monstres tels Buckcherry et surtout Guns’n’Roses (!!!) pour ne nommer que ceux-ci. Du coup, c’est alors qu’ils répétaient la chose cette fois aux côtés des Deftones à Montréal, deux fois plutôt qu’une, que nous avons rencontrés la jeune chanteuse et guitariste.

 

« Nous somme un jeune groupe donc, bien sûr, les gens apprennent à nous connaître et c’est très bien ainsi mais il m’est déjà arrivé de me faire accoster par des inconnus qui étaient convaincus de me « connaître » et d’avoir un lien serré avec moi », nous dit la jeune femme au sujet de ses textes très confessionnels. « Ça me rappelle un peu ce que je ressentais à l’égard de mes idoles à un plus jeunes âge, je croyais réellement « saisir » Thurston Moore (Sonic Youth) en m’identifiant à sa musique […] une fausse adoration, […] ça devient déstabilisant d’inverser les rôles ». Loin de jouer la vedette, elle admet toutefois devoir apprendre à garder ses distances par moment, la ligne peut parfois être mince entre s’identifier à une chanson et le projeter sur l’artiste même. 

 

Du coup, et bien que l’expérience de partager la scène avec des bonzes du milieu soit très stimulante pour les novices de DM, « Quand tu ouvres pour Guns’n’Roses, les gens se foutent éperdument de toi, […] nous ne pouvons pas nous raconter des histoires et se sentir adorés par eux, nous devons surtout livrer, c’est une chance d’être là, il faut donc se botter le cul ». Humilité, quand tu nous tiens. « En fait, la principale fierté que nous en tirons (G’n’R) est d’être le seul groupe à ne pas s’être fait sacrer dehors », lance-t-elle, sur un ton rieur. Nous parieront aisément que l’énergie démoniaque avec laquelle Failure aborde la scène y est pour quelque chose. (Stéfane Campbell)

 

 

 

 

TRIGGER EFFECT: Le Noyau De La Rage

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TRIGGER EFFECT – Le Noyau De La Rage

Stéfane Campbell

BANG BANG, novembre 2007 

 

« Un Gangbang entre gars » sera l’invitation lancée à votre humble serviteur à monter à bord de la vanne des Trigger Effect pour réaliser l’entretien qui suit. Et voilà qui plante un décor. Nous sommes en présence de testostérone de première qualité en termes d’attitude, de défonce et de dérision. En personne tout comme sur scène, le groupe s’est forgé une lourde réputation de bête. Et pour cause, il y a longtemps que nous avions été témoins d’autant de rage musicale et de désinvolture que ce qu’offrent les cinq jeunes montréalais. Quand nihilisme et punk rock ne font qu’un, en voici le résultat.

 

Malgré le jeune âge de la formation – deux années et des poussières – la presse spécialisée a vite fait de repérer le groupe pour l’étiqueter de « sauveur du punk rock ». Commentaire qui amuse d’ailleurs les principaux intéressés. « Le terme lui-même s’est désincarné avec le temps, on s’en sert maintenant pour vendre des Civics ou une paire de souliers, ça ne veut plus dire grand-chose. Tant mieux si les gens aiment ce que nous proposons mais nous ne brandissons pas haut et fort le drapeau du punk à tout prix. Nous faisons avant tout ce que nous voulons », de répondre Nick Babeu, chanteur du groupe. Puis de renchérir : « Du coup, j’ai toujours su que j’étais Jésus et que je suis de retour alors… bienvenue ».

 

Jésus et ses complices s’entichèrent donc, à une certaine époque, de l’éthos D.I.Y. si chère à l’école du genre. Façon de faire qui se muta ultimement en une signature sur la nouvelle étiquette de DJ Ramasutra « Signed By Force ». Essoufflement des ambitions de départ? « Le principal atout avec Ram était que ses idéaux rencontraient tout à fait les nôtres »,  répond tout de go Mike, batteur au sein de la formation. « Nous tenions mordicus à garder notre son et il a composé avec cela dès le début, […] il veut tout simplement le faire connaître à plus de monde. » Parce que Dare to Ride the Heliocraft fut produit à la sueur de leur front, ils n’étaient surtout pas prêts à  modifier quoique ce soit de l’album pour quiconque. Pat, guitariste, renchérit, « il faut aussi dire que Ram fut le seul à nous approcher. Personne ne savait trop comment nous ‘vendre’ : il a pris ce que nous offrions tout simplement ». Quand l’offre se fout de la demande.

 

Dernière remarque qui a d’ailleurs joué à la fois pour et contre la formation. « Nous l’avons joué the hard way, […] quand on ne sait pas dans quelle boîte nous placer, il est difficile pour certains de seulement apprécier. ». C’est donc loin des sentiers battus que les jeunes hommes ont roulé leur bosse. « Ce n’est pas un ‘statement’ conscient non plus », poursuit Nick, « ce n’était pas ‘fuck cool’ autant que de faire ce que nous avions à faire. Cool ou non. ». Et le résultat ne peut que mettre le feu aux poudres. Dans la foudre. Amen. (Stéfane Campbell)

DJ XL5: Pour En Finir Avec La Lutte

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Pour en finir avec la lutte – DJ XL5

Par : Stéfane Campbell

BANG BANG, juillet 2007

 

Ce n’est plus un secret pour personne, les « battles » ont la cote. Du vachement tendance ipod battle au classique t-shirt mouillé dans’ bouette en passant par l’intriguant « air guitar », les soirées de concours pullulent et se diversifient depuis maintenant quelques années. Du coup, le festival Fantasia fait cette année le grand saut en offrant le délirant DJ XL5 versus Total Crap : La revanche. Revanche qui fait écho à un premier match, livré en octobre dernier dans le cadre du festival SPASM.

 

« L’inspiration première vient directement de la lutte et de la boxe, c’est une sorte de clin d’œil à l’âge d’or de la lutte au Québec, dans les années quatre-vingt », nous dit l’un des principaux intéressés Mad Dog Va…. hein?, pardonnez-moi : DJ XL5. Le gagnant est donné par acclamation du public – qui a d’ailleurs voté une partie nulle lors de la première rencontre. Mais la dite revanche sera féroce : « du plus kitsh au plus trash, rien n’est épargné. Les gars de Total Crap misent sur des extraits télé des grands ratés de la culture québécoise. Pour ma part, je me concentre plus sur les films, surtout les traductions québécoises moches (avec une attention toute spéciale portée au vibrant organe d’Yves Corbeil) et les vidéoclips, assemblés sur le mode « zapping », comme si le spectateur était assis dans son fauteuil et jouait de la manette ». Un délicieux désastre audiovisuel – « C’est du challenge mais on respecte la compétition, tout cela se déroule sur un ton très bon-enfant ». Une réponse trash à ce que réalisait Louis-José Houde circa « Dollaraclip ». Mais pourquoi insister? « C’est un hommage aux Ed Wood de ce monde, des trucs qui sont tellement mauvais et tout aussi honnêtes qu’ils en deviennent sympathiques. Les grands oubliés, des gens avec beaucoup de passion mais peu de talent ».

 

Et ce nom DJ XL5, qu’en est-il? Un hommage à l’émission « Fusée XL5 » de Gerry Anderson (Starcruiser 1, Thunderbirds), mon plus vieux souvenir marquants de télévision. L’émission qui a probablement définie mon amour pour l’espace, l’étrange, voire, pour le rock’n’roll ». Tout pour le trash.

 

FEAR & LOATHING VOL. 666: Petits Plaisirs Grotesques

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Fear & Loathing vol. 666 – Petits Plaisirs Grotesques

Par : Stéfane Campbell

BANG BANG, août 2007

 

Fear & Loathing in Las Vegas de Hunter S. Thompson (1937 – 2005) – livre-phare du journalisme dit Gonzo et témoignage assourdissant d’authenticité d’une époque pivot entre le positivisme hippie de la « drug generation » des années soixantes et le cynisme exacerbé qui devenait la marque de la décennie qui suivait – fut décrit comme «A savage journey to the heart of the american dream ». Fear & Loathing in Montreal, événement annuel, qui en est à sa sixième édition (vol. 666) pourrait aisément faire écho à une telle définition. Du moins en parti, « ‘a savage journey’ décrit précisément ce de quoi il est question, je suis moins sûr pour le ‘american dream’ mais il est clair que l’esprit de la journée est à la sauvagerie, à la déchéance », nous répond Nick Babeu (Turbo Machine Entreprises), fondateur/organisateur de la fameuse soirée. Disons un Montréal qui, du moins, troque la classe et la retenue pour un plaisir tantôt libidineux, tantôt grotesque.

 

Tout est donc mis en place pour un party, au sens le plus abrupte du terme. « Nous préparons la soirée trois mois durant et ce, depuis maintenant six ans […] pour nous, c’est la plus grosse soirée de l’année, l’Halloween et Noel côte-à-côte n’arrivent pas à la cheville du Fear. » Musiques punk, rock et billy, ponctuées de performances, parfois interactives, qui donnent aisément dans la salace et l’irrévérencieux. Et on ne recule pas devant les limites du mauvais goût pour en mettre plein la vue. Concours de bouffe, (lire : « turbo-milkshake » constitué de bœuf, œufs crus, caviars de poisson, gros sel, etc…) « où, en 2004, le gagnant avait bu la potion régurgité de son adversaire », concours de douleur avec les Montreal Derby Girls qui va de la brûlure de cigarette au bon vieux « coup d’poing su’a’yeule ». Aussi, Pinàta  officielle

 de l’événement, « remplie de prix des commanditaires et de petits extras qu’on ne peut évidemment pas révéler ». Ainsi, cœurs fragiles, vous êtes avertis.

 

Côté musical, on ne lésine pas non plus : The Brains, Trigger Effect, Psychotic 4, Jerk Appeal, Ash Lee Blade et Rockets Away s’occuperont de la trame sonore de votre soirée. Devons-nous nous attendre à quelque chose de spécial durant les prestations? « C’est sûr que nous encourageons les groupes à le faire mais, règle générale, ils font leur set sans trop d’artifice ». Pas de trouble, nous nous rabattrons sur les Dragkings du regroupement King Size ou encore les émoustillements de la plantureuse Tangerine Dream. « Elle voulait faire quelque chose au Foufs depuis un bout de temps et ils ont pensé à ma soirée. Quand ils me l’ont proposé, je me suis : Rock’n’rollers and Pornstars? fuck yeah ».   

 

Du coup, ceux qui ressentent l’ultime appel du vice peuvent toujours aller se faire rembourser une bible par de la porno, gracieuseté des Cloven Path Ministries, évangélistes sataniques qui se feront également un plaisir d’implorer Satan pour vos prières. Une performance à ne surtout pas manquer aux dires de l’organisateur. Pourquoi bouder son plaisir. Si le paradis est en paix : l’enfer s’éclate. (Stéfane Campbell)